Le contenu peut-il mentir à l’ère du web ?

Dernière révision : 2 janvier 2017

Face à une audience de plus en plus sollicitée, les entreprises aiguisent leurs contenus et tentent de se démarquer en racontant de belles histoires. Quitte à recycler des discours dans l’air du temps et à forcer un peu pour faire entrer le pied trop grand dans la chaussure de verre.

Comment se tailler une histoire sur mesure pour le web ?

L’idée de ce billet est née durant un cours à l’Université Paris Ouest. Mes étudiants et moi étions en train d’analyser la transformation des entreprises en média sur le web. Nous parlions de ligne éditoriale et de cohérence des messages. Je souhaitais décrypter le discours d’une marque, et je leur ai montré la vidéo de la campagne 2016 de Carrefour que je trouvais bien écrite.

Voici un extrait du texte de cette publicité, lu par un enfant :
Je suis l’optimisme, je nourris l’espoir et j’inspire la résistance. 
Je suis l’optimisme. Grâce à moi, les hommes et les femmes vivent mieux et en meilleure santé. Sans moi, l’avenir s’assombrit. J’ai appris aux hommes et aux femmes à chanter et danser sous la pluie mais aussi à en profiter pour se laver avec. Car je leur ai appris que l’optimisme sert à optimiser, à obtenir plus et mieux pour moins, à ne pas gâcher, à s’entraider, à consommer mieux.(…)

D’après le directeur marketing de Carrefour France, cette publicité a été bien accueillie par le grand public.

Pourtant, lorsque j’ai passé cette publicité à mes étudiants, j’ai été étonnée par leur réaction unanime : très touchés durant toute la vidéo, j’ai vu leurs mines se renfrogner au moment du logo. Comme je cherchais à comprendre, une de mes étudiantes a levé les bras en disant : « Ah ouais mais… Carrefour, quoi ! » Ils exprimaient leur surprise devant l’inadéquation ressentie entre l’image d’une marque de grande consommation et son discours, inspiré par les codes de communication et les valeurs traditionnellement portées par des mouvements plus alternatifs.

Face à l’exigence des digital natives, peut-on encore écrire de beaux discours sans les incarner dans des situations réelles ? Peut-on publier des images publicitaires achetées sur des banques d’images sans lien avec l’expérience vécue par les internautes ? Voilà la question que je me suis alors posée.

Un discours transparent, qui doit faire sens

Comme le constate Amy Cole, responsable du développement d’Instagram pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen Orient dans le magazine ADN : « les consommateurs d’aujourd’hui recherchent plus qu’un simple produit ou service : ils veulent croire en l’entreprise et les personnes derrière celle-ci. » Comment start-ups et PME utilisent Instagram

L’importance accordée par les internautes au sens et aux valeurs d’une entreprise s’avère une tendance lourde. Les créatifs culturels, ce segment de population particulièrement sensible au sens, aux valeurs écologiques et au développement personnel ne cesse d’augmenter. D’après le sociologue américain Paul Ray et la psychologue américaine Sherry Anderson, ils seraient passés de 4% dans les années 1960, à près de 34,9% de la population nord américaine en 2008.

Quant à la génération y (mes étudiants, donc), les études publiées ces dernières années sur le sujet montrent qu’ils attachent plus d’importance à l’être qu’à l’avoir et au respect de l’être humain. Ils privilégient l’harmonie de vie, le bien être et la recherche d’un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Les membres de cette génération ont grandi dans un monde hyper-connecté et savent décoder le discours marketing. Ils attendent d’une marque plus qu’un bon rapport qualité/prix : un discours transparent, qui doit faire sens.

« Les start-ups sont douées sur ce terrain car elles connaissent leurs valeurs, ont construit leur marque elles-mêmes et l’incarnent au quotidien. Mais lorsqu’elles grandissent, cette vision peut devenir plus floue».

Proposer une vision cohérente et incarnée en réalité

« Une marque qui fait la différence est une marque dont le message est clair. Les marketeurs ont toujours souligné l’importance du storytelling et de la raison d’être pour sa marque, mais je pense que cela n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui. Et dans ce domaine, les petites entreprises ont l’avantage » estime Amy Cole. « Les start-ups sont douées sur ce terrain car elles connaissent leurs valeurs, ont construit leur marque elles-mêmes et l’incarnent au quotidien. Mais lorsqu’elles grandissent, cette vision peut devenir plus floue ».

« Une marque qui fait la différence est une marque dont le message est clair. Les marketeurs ont toujours souligné l’importance du storytelling et de la raison d’être pour sa marque, mais je pense que cela n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui. Et dans ce domaine, les petites entreprises ont l’avantage » estime Amy Cole.

Et en effet, je constate souvent un déficit de réflexion et d’outils sur la vision au sein de l’entreprise. Lorsque nous commençons à travailler sur le discours, les messages, l’angle, je sens que les positions ne sont pas tranchées. Or, comment construire un discours fort sur des bases incertaines ? Comment imaginer une ligne éditoriale web intéressante si l’entreprise ne sait pas ce qu’elle a à dire à ses internautes ? Avoir une parole puissante suppose d’avoir les idées claires. Il n’y a rien de pire sur le web qu’une entreprise qui n’a rien à dire à ses internautes. Ah si : une entreprise qui leur ment.

Sur le web, l’entreprise publie des contenus. Elle devient un média. Elle doit savoir se mettre en scène de manière créative. Elle doit descendre de son piédestal et discuter, rendre des comptes, faire rêver mais en apportant des preuves solides et réelles de ce qu’elle raconte. Sur le web, les entreprises doivent proposer une vision cohérente et incarnée en réalité, dans la relation avec les clients et l’expérience qu’ils en font tous les jours. C’est vrai aussi pour les institutions.

Retrouver sa vision originelle

Avant tout travail sur l’éditorial ou sur le storytelling de votre entreprise, il me semble indispensable d’engager une réflexion sur son identité. Qui était le fondateur ou la fondatrice ? Quelle était sa personnalité, ce truc en plus qui lui a permis de réussir ? Quelles sont les valeurs fondamentales défendues par l’entreprise ? Comment s’incarnent ces valeurs en réalité ? Qui sont les hommes et les femmes qui portent cette vision ? Quelle est votre histoire ? En quoi êtes-vous différent des autres ?

Ensuite seulement, vous pourrez entamer une session follement créative, chercher des idées originales pour raconter votre histoire de manière passionnante. Aujourd’hui, les internautes veulent se connecter à une marque de manière vraie et authentique. Tout l’enjeu pour les entreprises consiste donc à retrouver leur authenticité, sans chichis, ni grosse citrouille.


A lire sur le sujet

Storytellig de marque, savoir raconter le vrai chez Influencia
Votre charte éditoriale web en 7 points
Comment rédiger une charte éditoriale web

Transparence, marketing authentique et plébiscite de l’engagement, la veille de Gregory Coste sur le sujet

Pas de commentaires (pour l’instant)

Exprimez-vous