En 2018, on arrête la schizophrénie marketing, on innove !

Dernière révision : 11 janvier 2018

Dans un contexte anxiogène, les internautes deviennent de plus en plus méfiants vis à vis des enseignes. Au XXIème siècle, les entreprises doivent oser l’innovation dans tous les domaines, arrêter la schizophrénie marketing qui consiste à alimenter un système montrant chaque jour ses limites, tout en désirant le changement vers des modèles viables. Et communiquer de façon juste sur les changements qu’elles engagent en ce sens.

2018 ! Que faisiez-vous il y a vingt ans ? En janvier 1998, je préparais le lancement de BOL.fr, la première librairie en ligne de France avec une bande de jeunes allumés, bourrés d’énergie, d’ambitions et de rêves. C’était avant la naissance d’Amazon, avant la naissance de Google et de Facebook, à une époque où l’on pouvait patienter 5 minutes devant son écran en attendant qu’une page web se télécharge, et où 6 mois passés dans une start-up vous ouvraient les portes des plus belles entreprises.

(c) Lysander Yuen

J’ai vu exploser la bulle Internet en 2002 et tomber ceux que les marchés avaient adoré quelques mois auparavant. J’ai vu renaître le web et je l’ai regardé grandir et bouleverser peu à peu les entreprises, les organisations, le commerce, le tourisme, nos interactions, nos vies.

La dimension interactive du web a changé les rapports de force entre les entreprises et leurs publics. De spectateurs passifs et dociles, les internautes sont devenus peu à peu acteurs de leur propre information, responsables de leurs connaissances et de leur promotion. En vingt ans, le web nous a changé. Nous sommes devenus plus informés, plus exigeants, plus impatients, plus impliqués. Et c’est encore pire pour les nouvelles générations. Nous n’avons que peu de temps à accorder à chaque message et nous ne nous intéressons qu’aux informations réellement utiles (lire « Notre attention, ce graal qui se fragmente » chez Influencia) Nous avons appris à installer des adblocks, à ignorer les bandeaux, à zapper les pubs, à fuir les suceurs de temps pour pouvoir nous consacrer uniquement à ceux qui nous apportent une information de valeur, ceux qui nous aident à mieux vivre nos vies, ceux qui nous font rire ou nous touchent.

En vingt ans, les scandales alimentaires et sanitaires se sont multipliés. Et nous avons tout lu, de plus en plus connectés à nos smartphones. La radio n’a pas disparu, comme certains l’avait prédit, mais elle nous a délivré de plus en plus de mauvaises nouvelles sur l’état de la planète et du vivant. En 2015, pour la première fois de l’histoire des hommes, la COP21 a réuni la quasi-totalité des pays autour de la question du bouleversement climatique. En 2017, Nicolas Hulot ex-animateur d’émission de télévision en mode ULM et spéléo est devenu Ministre de l’écologie, tandis qu’Arnold Schwarzenegger, ex-star d’Hollywood, ex-gouverneur de Californie venait le rejoindre au One Planet Summit pour encourager les entreprises à s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le monde change. Vite et beaucoup, et nous changeons avec lui.

One planet summit

One planet summit – Emmanuel Macron – Arnold Schwarzenegger – Nicolas Hulot

Durant ces vingt dernières années, j’ai accompagné la transformation numérique. J’ai aidé les entreprises à s’adapter au changement, à prévoir, à anticiper, à mettre en place des stratégies de contenu. Et cela m’a donné l’habitude de regarder toujours plus loin devant, de lire dans le présent les signes de l’avenir afin de mieux préparer mes clients. Mon métier, c’est de rendre visible l’invisible. C’est de comprendre ce qui fait la trame de nos actions, de nos échecs et de nos réussites, de lire entre les lignes, de sentir dans les attitudes et dans les silences ce qui compte réellement, de révéler ce qui nous met en mouvement. Je cherche le sens partout où je vais. Je cherche à connecter les points dans le chaos apparent pour rendre évident ce qui apparaît totalement décousu, linéaire, confus.

J’ai appris à écouter les internautes sur les réseaux sociaux, à analyser leurs requêtes sur les moteurs de recherche pour mieux comprendre leurs intentions et leurs désirs, afin de leur apporter les informations les plus adaptées à leurs besoins. Et j’ai vu leurs attentes vis à vis des entreprises changer. Dans un contexte mouvant et anxiogène, j’ai observé ces internautes devenir extrêmement méfiants vis à vis du discours marketing des grandes enseignes. Et les études confirmaient ces observations de terrain. En 2009, la SOFRES annonçait que 80% des consommateurs se déclaraient prêts à revoir leurs mode de consommation, « Crise de la consommation, l’ère d’un nouveau consommateur ? » En 2011, l’observatoire société et consommation Obsoco révélait que la grande distribution souffrait d’une mauvaise image « Enseignes, les français n’ont pas confiance ».

Je suis toujours étonnée de constater la violence des critiques de mes étudiants face aux discours des marques, comme j’ai pu le raconter dans cet article « Peut-on mentir à l’ère du web ? » publié pour la première fois sur Plume Interactive en 2016. Ils ne sont pas dupes. Ils ont appris à décrypter les messages. Ils font désormais plus confiance aux avis et aux recommandations de leurs amis qu’aux promesses des marques et à leurs slogans. Et pourtant, ils cherchent partout des repères. Quand nous nous projetons ensemble dans l’avenir en jouant au jeu du portrait chinois, nombre de ces mêmes étudiants aimeraient être « une montagne pour la sérénité ».

Ils sont en quête de repères, de stabilité. Ils attendent des marques qu’elles s’engagent et qu’elles les aident à trouver leur chemin dans un monde qui parait extrêmement instable. Mais pour être digne de confiance, il faudrait que ces marques ne soient pas sans cesse décevantes, qu’elles innovent, qu’elles s’engagent en réalité et surtout qu’elles respectent leur parole. L’offre vertueuse n’existe pas ? Qu’à cela ne tienne ! Mes étudiants la créent, se relient, investissent leur pouvoir d’achat hors des sentiers battus. Ils voyagent, ils piochent des idées partout, ils inventent de nouvelles manières de consommer, de réfléchir, de vivre. Et ma génération fait comme eux.

Durant ces vingt dernières années, je n’ai jamais cessé d’écrire sur les thématiques de l’écologie et du développement durable, que ce soit pour le Magazine web FemininBio que j’ai lancé en 2007 avec Anne Ghesquière et pour lequel j’ai rédigé une de mes premières chartes éditoriales web, pour des médias web comme Place to B et revue Far Ouest, pour des entreprises comme Neo-nomade, Nature et découvertes, et des organismes engagés dans une transition vers un monde désirable comme l’Association 4D ou pour des projets littéraires comme le roman d’anticipation que je viens d’achever. En parallèle, j’ai toujours continué à travailler pour des entreprises « classiques » sans jamais chercher à convaincre ou à faire du prosélytisme. Mais en 2018, je pense qu’aucune entreprise ne peut plus ignorer les changements profonds qui sont en train de se produire actuellement dans la conscience collective des publics. Tout est lié.

Nouveau mythe pour un avenir vivant - Place to B

Nouveau mythe pour un avenir vivant – Place to B

En 2018, l’écologie, ce n’est pas de l’écologie, c’est du réalisme. Quand votre comptable vient vous dire : « attention là, tu plonges dans ta trésorerie pour rembourser tes dettes, ça n’est pas viable. Il y a un gros risque », est-ce que vous fermez les yeux et détournez la tête ? Non, en général vous affrontez la réalité, vous serrez les vannes, vous faites des économies pour rétablir l’équilibre, retrouver votre sérénité et redevenir digne de confiance auprès de votre banquier. 15 000 scientifiques internationaux se sont rassemblés en 2017 pour nous dire d’arrêter de piocher dans la trésorerie planétaire. Nous devons faire des économies d’énergies, prendre soin de notre capital Terre afin de protéger notre santé et celle de nos enfants.

Les entreprises françaises possèdent un immense pouvoir d’action mais cela signifie se remettre en question, innover, inventer, se réorganiser, arrêter de jouer du pipeau pour masquer les incohérences, assumer ses contradictions, dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit, être aligné avec des valeurs humaines pour regagner la confiance d’un public en quête de sens. Comme l’écrit Florence Touzé dans son livre « Marketing, les illusions perdues », « les années à venir s’ouvrent donc sur un consommateur émancipé, en état de réception, d’ouverture, en attente de nouvelles voies et de nouvelles propositions. » Et c’est possible ! Si des marques géniales comme Weleda, Dr Hauschka, Veja ou Patagonia, si des lieux inspirants comme Darwin, et des grands vins de Bordeaux comme Château Beychevelle y arrivent pourquoi ce serait impossible pour les autres ?

A la convention des clubs de l‘APM « Visages du futur » en 2017, les dirigeants français des plus grandes entreprises sont venus écouter des intervenants comme Isabelle Delannoy parler d’économie symbiotique, Elisabeth Laville et Sandrine Roudaut parler d’utopies. Une part de plus en plus importante du management des entreprises « classiques » est prêt pour le changement. Pour réussir, il faut plonger dans le bain, arrêter la schizophrénie marketing qui consiste à alimenter un système défaillant tout en désirant le changement vers des modèles d’économie viables. Pour retrouver le chemin de la sérénité, il faut écouter la petite voix qui nous garde en vie, ignorer les barrières, relier et s’engager à tous les niveaux pour inventer un avenir inspirant, là où l’on se trouve.

La communication doit produire du sens et faire émerger du sens. On ne peut faire ce chemin-là qu’en respectant la réalité, dans une démarche, certes imparfaite, mais exigeante et transparente. Vous lirez donc désormais sur Plume Interactive de plus en plus d’articles sur les nécessaires révolutions de la communication et du marketing pour offrir des stratégies de contenu à la hauteur des attentes des internautes du XXIème siècle 🙂

Je vous souhaite à tous une très belle année 2018, imparfaite mais vivante, alignée, créative et inspirante !

A lire 
Le contenu peut-il mentir à l’ère du web ?
Stratégie de contenu : publier moins mais mieux

Quelques lectures pour 2018 : 
« Marketing, les illusions perdues » de Florence Touzé
« Les Nouveaux défis du brand content » de Thomas Jamet
« Brand content, comment les marques se transforment en média » de Daniel Bô et Mathieu Guével
« Ré-inventer les marques » de Jean-Noël Kapferer

 

2 Commentaires

  • Reply Laurent Bourrelly 17 janvier 2018 at 2 h 16 min

    Pfiou, je crois que vous pétez les plombs à trop chercher des solutions tordues.
    Il n’y a qu’une seule tendance : être customer centric.
    Cela a toujours été la bonne solution et cela sera toujours la seule voie à suivre pour surmonter les challenges du marketing.
    Il n’y a pas d’autre objectif que d’apporter de la valeur aux clients.
    Tout le reste ne sont que des moyens pour arriver à cet objectif.

  • Reply Eve Demange 17 janvier 2018 at 21 h 53 min

    Salut Laurent ! Plaisir de te lire ici 🙂
    Oui, justement : le « customer », l’acheteur donc, qui est aussi utilisateur et lecteur sur le web commence à saturer grave d’apprendre sur Cash Investigation qu’une grosse partie des entreprises lui vend des produits dangereux pour la santé, fabriqués par des enfants à l’autre bout du monde, en détruisant l’environnement pour enrichir quelques privilégiés ultra-fortunés. Alors, il discute sur les réseaux sociaux, il partage l’info, il cogite, il s’organise avec d’autres, il trouve des solutions qui lui paraissent plus rassurantes et plus justes.
    Apporter de la valeur au client, c’est commencer par comprendre ce qui a de la valeur pour lui aujourd’hui dans un monde en crise. Avoir une vision et porter des valeurs humaines devient de plus en plus essentiel pour les entreprises à ce titre. Et d’ailleurs, même les investisseurs américains poussent les entreprises à s’engager : “To prosper over time, every company must not only deliver financial performance, but also show how it makes a positive contribution to society.” BlackRock’s Message: Contribute to Society, or Risk Losing Our Support – New York Times, 15 janvier 2018

  • Exprimez-vous